Innovation ou invention ?

Publié le par Jeromath

Invention et innovation recouvrent deux concepts auxquels de nombreux auteurs ont recours, de manières parfois différentes.

 

Le sociologue français Gabriel Tarde[1], un des premiers à s’intéresser à ce sujet, distingue l’invention de l’imitation. Il y aurait ainsi l’original, et les copies. Il note l’absence d’enchaînement mécanique entre les deux : l’invention n’est pas forcément imitée ; au contraire, les inventions qui se répandent dans la société font exception.

 

Pour Joseph A. Schumpeter[2], une invention consiste en la conception d’une chose nouvelle, cette chose pouvant être par exemple un bien de consommation, une méthode ou une technologie de production, un marché, ou une structure organisationnelle d’entreprise. L’innovation consiste, elle, en l’application industrielle et commerciale d’une invention, en sa valorisation économique.

Schumpeter voit l’invention et l’innovation essentiellement comme des processus.

 

Norbert Alter[3] souligne la difficulté de l’enchaînement entre invention et innovation. L’innovation vise en effet à intégrer une invention dans un ensemble social. L’innovateur doit donc, à la différence de l’inventeur, composer avec des contraintes économiques ou sociales, de marché, d’usages, etc..

Cependant, Alter emploie parfois le terme « innovation » pour désigner le résultat de l’activité d’innovation : ainsi, une invention peut soit rester au stade de l’invention, soit se transformer en innovation (voire en « invention dogmatique »), et on peut observer la « trajectoire des innovations ».

 

Everett Rogers[4] décrit l’invention comme « le processus par lequel une nouvelle idée est découverte ou créée » : l’invention est une action.

Par contre, l’innovation constitue pour lui comme un objet, une idée, ou une pratique perçu comme nouveau par un individu ou un système social. Rogers emploie d’ailleurs le terme « innovation » comme un synonyme de « nouvelle technologie », que celle-ci soit matérielle ou purement intellectuelle : une philosophie politique, une idée religieuse, une méthode de production, ou un concept managérial par exemple, sont autant de « technologies » ou innovations s’ils sont perçus comme nouveaux.

L’innovation est pour Rogers d’une part le résultat d’un processus d’invention, et d’autre part l’objet potentiel d’un autre processus : l’adoption par les membres d’un « système social », doté de structures et de normes propres, de leaders d’opinion parmi ses membres, etc.. Un système social globalement, et chacun de ses membres individuellement, peuvent adopter ou rejeter l’innovation. La taux d’adoption d’une innovation par les membres d’un système social permet de mesurer la diffusion de l’innovation dans ce système social.


Voici en synthèse une comparaison des termes utilisés par Alter et Rogers :

 

 

Termes d’Alter (1996)

Termes de Rogers (1962-2003)

Activité de conception

Invention, conception

Invention

 

Résultat de la conception

Invention, découverte

Innovation

Nouvelle technologie

Activité d’adoption

Innovation

Adoption

 

Résultat de l’adoption

Innovation

Innovation adoptée

Nouvelle technologie adoptée

Evolution observée

Trajectoire

(approche qualitative)

Diffusion

(approche quantitative)



[1] Gabriel TARDE, « Les lois de l’imitation », 1890, Alcan, Paris

[2] Joseph A. SCHUMPETER, « Théorie de l’évolution économique », 1912, traduction française de 1935, Dalloz, Paris ; Joseph A. SCHUMPETER, « Capitalisme, socialisme et démocratie », 1942, traduction française de 1972, Payot, Paris

[3] Norbet ALTER, « L'innovation ordinaire », 1996, PUF, Paris

[4] Everett M. ROGERS, « Diffusion of innovations », 5ème édition, 2003, Free Press, New York

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